Allan Kardec
Un élève de Johann Heinrich Pestalozzi
Allan Kardec était le pseudonyme d’Hippolyte Léon Denizard Rivail. Celui-ci naquit à Lyon le 3 octobre 1804 dans une famille bourgeoise et catholique. Il mourut à Paris le 31 mars 1869. Allan Kardec n’était pas vraiment un nom d’emprunt. Il lui fut révélé par son ange gardien. Dans une vie antérieure, Rivail était druide et se nommait Allan Kardec. Ainsi, commença la légende.
Rivail débuta ses études à Lyon. Il fut ensuite envoyé dans une école de garçons protestante, située dans le château d’Yverdon-les-Bains, dans le canton de Vaud. Celle-ci était dirigée par Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827), pionnier de la pédagogie moderne. Les méthodes de Pestalozzi étaient inspirées de celles exposées par Jean-Jacques Rousseau dans L’Émile : encouragement à l’autodiscipline, à la liberté d’expression, à l’observation de la nature et aux travaux manuels. Il en sortit bachelier ès lettres et ès sciences. Il y apprit l’allemand, l’anglais et le hollandais. Il fit également ses gammes d’enseignant à Yverdon.
Un passé d’enseignant
Vers 1830, Rivail ouvrit un cours privé à Paris. Il y appliqua les méthodes de Pestalozzi.
Un de ses oncles était son bailleur de fonds mais il était aussi un joueur invétéré. En 1834, Rivail dut vendre son école afin de payer les dettes de jeu de son oncle.
Il se fit alors engager comme enseignant dans différentes institutions parisiennes comme le Cours normal pour institutrices fondé en 1833 par David Lévi Alvarès (1794-1870). Il donnait également des cours gratuits à son domicile à des élèves issus de familles défavorisées. La question sociale était au cœur de ses préoccupations.
Il traduisit et écrivit des ouvrages pédagogiques d’arithmétique, de grammaire et d’orthographe.
Rivail souhaita également contribuer à la réforme de l’enseignement afin de transformer la société. Il fit ainsi publier un plan pour l’amélioration de l’éducation publique dans lequel il exposait ses conceptions pédagogiques.
La découverte qui bouleversa sa vie
Le spiritualisme vint des États-Unis où il se développa à partir de 1848. Il s’agissait du phénomène des tables tournantes qui permettait de communiquer avec les esprits des défunts. Il fut importé en Europe en 1852, d’abord en Angleterre et en Allemagne puis en France. Il peut être considéré comme une des premières formes d’américanisme de la culture européenne. C’est Allan Kardec qui renomma en 1857 le spiritualisme américain spiritisme. En France, le spiritualisme était un courant philosophique affirmant la supériorité ontologique de l’esprit sur la matière.
Allan Kardec définit ainsi sa doctrine :
« Le spiritisme est fondé sur l’existence d’un monde invisible, formé d’êtres incorporels qui peuplent l’espace, et qui ne sont autres que les âmes de ceux qui ont vécu sur la Terre ou dans d’autres globes où ils ont laissé leur enveloppe matérielle ».
Selon Kardec, lorsqu’une personne meurt, son âme se sépare de son corps mais conserve une enveloppe semi matérielle nommée périsprit. C’est ce dernier, qui en produisant un fluide électrique, permet à l’esprit d’interagir avec le monde matériel ainsi qu’avec les êtres vivants.
En 1854, un magnétiseur dénommé Fortier fit connaître à Rivail le phénomène des tables tournantes. En mai 1855, un certain Carlotti invita Rivail à participer à une séance de tables tournantes.
La biographie de Rivail présente bien souvent des dates et des faits qui ont été modifiés par Allan Kardec. Ainsi, il est étonnant qu’il n’ait assisté à des séances de tables tournantes qu’en 1855 après la vogue suscitée (1853-1854). Sans doute chercha-t-il ainsi à se dissocier d’un phénomène de mode qu’il jugeait frivole et mondain.
La doctrine spirite
Les sœurs Baudin achevèrent de convaincre Rivail qu’elles communiquaient bel et bien avec l’esprit de personnes défuntes. Elles lui firent découvrir l’écriture automatique, un moyen de communication bien plus sérieux que les tables tournantes ou les corbeilles-toupies !
Rivail s’employa alors à démontrer scientifiquement la réalité de ce phénomène. Afin d’y parvenir, il appliqua à celui-ci la méthode expérimentale, développée par le chimiste Michel-Eugène Chevreul (1786–1889). Celui-ci, bien avant que Rivail ne développe sa théorie spirite, avait dénoncé avec force le phénomène des tables tournantes. Rivail multiplia les séances avec des médiums différents. Il les observa en plein jour afin de s’assurer de l’absence de tricherie. Il en conclut que les phénomènes observés étaient l’œuvre d’esprits intelligents venant de l’au-delà et désireux de communiquer avec les vivants. Il ne soumit toutefois jamais sa théorie à la critique ni au doute pourtant si cher à Pestalozzi.
La théorie spirite est basée sur la réincarnation. Celle-ci sert à l’homme à évoluer au cours de ses différentes vies. Il peut ainsi racheter les erreurs qu’il a commises ou bien mener une mission auprès des vivants. Cette transmigration des âmes se fait uniquement d’humain à humain, homme ou femme, sur Terre ou bien sur d’autres planètes.
En un siècle qui connut de nombreuses désillusions, où les hommes furent désespérés des progrès de l’humanité, le spiritisme leur redonna une certaine espérance en démontrant que la vie humaine n’était qu’une étape parmi d’autres. Le but ultime des vies successives était en effet d’atteindre le niveau supérieur de l’âme humaine, qui seul permettait d’accéder à une vie éternelle aux côtés de Dieu.
Aux sources du spiritisme
La théorie spirite telle qu’elle a été définie par Allan Kardec trouve ses sources dans les différents courants d’idées qui se répandirent à la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe siècle. Seuls quelques-uns seront cités tant les sources sont nombreuses.
Le spiritisme puise ainsi ses racines dans les théories philosophiques de Charles Fourier (1772-1837) à qui il emprunte la notion de corps aromal renommé périsprit par Kardec. Il s’inspire également de celles de Jean Ernest Reynaud (1806-1863) dont il retient la notion de réincarnation.
Les idées de Félicité Robert de Lamennais (1782-1854) eurent également une grande influence sur Allan Kardec. En effet, Lamennais prônait un christianisme sans églises, fédérateur et capable de conduire les hommes vers le progrès au moyen de la charité. La devise d’Allan Kardec était « Hors la charité, point de salut » comme on peut le lire sur la page de titre de son ouvrage Qu’est-ce que le spiritisme ?
Un homme de l’écrit
Allan Kardec n’était ni un médium ni un prophète mais un codificateur, un homme du livre.
Le Livre des esprits, premier ouvrage écrit sous le nom d’Allan Kardec, constitue le socle de la doctrine spirite.
Il existe deux versions liées à la genèse de cet ouvrage. Dans l’une, Rivail fut introduit au sein d’un groupe spirite dont la composition diverge selon les sources. Ce groupe aurait été composé entre autres de l’auteur dramatique et médium Victorien Sardou (1831-1908), du professeur d’anatomie, de physiologie et de zoologie et académicien, Friedrich Tiedemann (1781-1861), de l’historien et académicien Saint-René Taillandier (1817-1879) et de l’éditeur Pierre Paul Didier (1800-1865). Ceux-ci lui auraient demandé de synthétiser les dires des esprits, consignés dans des cahiers et obtenus par écriture automatique au cours de séances médiumniques. De cette synthèse, serait né le Livre des esprits.
Dans l’autre version, Rivail aurait pris l’initiative d’écrire cet ouvrage à la demande des esprits. Il aurait alors synthétisé le contenu de cahiers, obtenus sous leur dictée, lors des séances médiumniques auxquelles il assistait ou remis par d’autres spirites. Rivail aurait alors approfondi les révélations données par les esprits au cours de séances médiumniques complémentaires où il leur posait des questions précises via des médiums.
Quoi qu’il en fut, Allan Kardec se considérait comme un prête-plume, un missionnaire, celui des esprits, qui à travers l’écriture automatique ou la voix des médiums, lui faisait des révélations. Le spiritisme serait en effet la troisième révélation divine après Moïse et Jésus.
Le Livre des esprits fut publié le 18 avril 1857.
De la riche bibliographie d’Allan Kardec, il faut retenir un autre de ses ouvrages : Il s’agit de Qu’est-ce que le spiritisme ? : introduction à la connaissance du monde invisible par les manifestations des esprits contenant le résumé des principes de la doctrine spirite, et la réponse aux principales objections. Il fut publié pour la première fois en 1859. Il résume, comme l’indique son sous-titre, les principes de la doctrine spirite contenue dans le Livre des esprits et le Livre des médiums. Le Livre des médiums codifie la pratique du spiritisme. Il répond également aux critiques communément portées contre la doctrine spirite. Il se présente, pour partie, sous la forme d’une série de questions-réponses entre l’auteur et différents contradicteurs : le critique, le sceptique et le prêtre. Cette forme rappelle celle employée communément dans les catéchismes et renvoie à la fonction de pédagogue, longtemps occupée par Rivail.
Le spiritisme, une science ?
Dans Qu’est-ce que le spiritisme ? Allan Kardec réaffirme l’appartenance du spiritisme au domaine des sciences
Il n’hésite pas à comparer le spiritisme à une puissance naturelle comme l’électricité ou la gravitation. Il ajoute :
"Le spiritisme est la science qui nous fait connaître cette loi [qui régit les rapports du monde visible et du monde invisible], comme la mécanique nous fait connaître la loi du mouvement, l’optique celle de la lumière."
Il relie plus spécifiquement le spiritisme à la philosophie :
« Le spiritisme touche à toutes les branches de la philosophie, de la métaphysique, de la psychologie et de la morale […]
Le spiritisme, une nouvelle religion ?
Selon Kardec, le spiritisme permettait de renouveler le christianisme en réconciliant science et religion. Il tempérait toutefois cela :
"Son véritable caractère est donc celui d’une science, et non d’une religion, et la preuve en est, c’est qu’il compte parmi ses adhérents des hommes de toutes les croyances, qui n’ont point pour cela renoncé à leurs convictions".
L’Église catholique était opposée aux concepts de réincarnation et de prédestination. Elle condamnait la doctrine spirite mais pas de manière officielle. Seul un décret du Saint-Office, daté du 25 avril 1864, mit à l’index les ouvrages d’Allan Kardec.
Quelle réception pour le spiritisme en France ?
En France, le spiritisme toucha surtout des hommes et des femmes de gauche, au sein des professions libérales, des propriétaires fonciers, de la petite bourgeoisie, des artisans et des ouvriers. Des instituteurs adhérèrent en nombre à cette doctrine. Kardec fut proche de Jean Macé (1815-1894), le fondateur de la Ligue de l’enseignement.
Allan Kardec, qui se défendait de tout prosélytisme, répandit la doctrine spirite en France.
Le spiritisme est considéré comme une religion au Brésil. La tombe d’Allan Kardec, en forme de dolmen, située dans le cimetière du Père Lachaise est un lieu de pèlerinage depuis sa mort. À Lyon, une stèle en forme de menhir, située dans le 2e arrondissement, commémore son souvenir.
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